Bernard s’est empoisonné par bêtise. Le gamin a confondu une baie rouge sur le talus avec une grappe de groseilles’, se souvient Valentine. Assise au bout de sa table, dans sa petite maison de Montviette, la grand- mère se confie avec gêne et émotion…

A Grangues, Roger raconte qu’un matin, il a trouvé une de ses vaches crevée dans l’étable. ‘C’était la colchique.’

Au cours des nombreuses enquêtes me- nées par Montviette Nature depuis vingt ans sur l’histoire du patrimoine naturel du pays d’Auge, nous avons collecté des témoignages poignants souvent embarrassés, parfois goguenards à propos d’empoisonnements accidentels ou d’usage de plantes pour ‘nuire’ aux autres.

Nous avons choisi, après la publication de l’ouvrage ‘Plantes remèdes en pays d’Auge’, d’interroger nos personnes ressources sur ce seul sujet : les plantes toxiques et les plantes mortelles.

‘C’est poison, on n’y touche pas’, m’avait dit ma grand-mère avec fermeté tandis que, petite fille, je m’apprêtais à cueillir la grappe de fruits appétissants de l’arum…

Eté 1999, une sortie à thème dans les chemins. Dans le groupe, un petit garçon et son père suivent la balade que je guide. Soudain j’aperçois dans la main du petit garçon l’épi orange de l’arum. D’une claque sur la main, j’expédie les fruits. Le père ne comprend pas ce geste vif : personne ne lui avait appris à quel point cette plante est dangereuse…

Christiane Dorléans, Montviette Nature

Rodolphe Murie et Christiane Dorléans ont choisi, pour illustrer leur travail sur les plantes ‘mortelles’ du pays d’Auge, la photographie en noir et blanc alliant ainsi la rigueur scientifique à l’esthétique.

Plus encore, le contraste marqué des photographies fait ressortir le côté sombre de beaucoup de ces plantes toxiques. Immortaliser des sources de mort potentielle était une gageure, mais le pari semble réussi et ces images nous le montrent bien.

Ces documents ne sont pas à prendre comme des fiches descriptives de reconnaissance purement botanique mais plutôt comme autant d’avertissements et aussi d’invitations à nous pencher sur ces végétaux pour apprendre à mieux les connaître… sans y toucher !

Dr Jean-Philippe Rioult, Département de Botanique, Mycologie et Biotechnologies U.F.R.des Sciences Pharmaceutiques